Je l'avoue : cette habitude conteresque d'ouvrir les oreilles bien grand, de les prêter à la bonne femme qui raconte, voire d'inciter les enfants à les masser gentiment (les oreilles, pas la dame) tout en leur faisant un sourire niais engageant m'a toujours semblé un tantinet culcul et un poil agaçant.
J'use plutôt du genre : ferme ta bouche, ici et maintenant c'est moi qui cause, tu parleras si on te le demande et pas avant. En plus niais doux, mais c'est le message.

Et voilà qu'à force de mettre et d'enlever à mon brave Monsieur Bonhomme (non non et non tu ne le verras pas, il est franchement vilain) deux yeux, un nez, une bouche et deux oreilles, je me suis aperçue que, si les petits (enfants gardés par des assistantes maternelles ou fréquentant la crèche, pas bien vieux donc) connaissent l'usage des yeux, du nez et de la bouche -quitte à l'avoir appris de la mienne, de bouche, car c'est une histoire d'introduction qui revient à chaque séance- pour les oreilles il en va tout autrement. Je pose la question, comme je la pose pour les yeux, le nez etc. et je ne récolte -paradoxe quand tu nous tiens- que du silence.
Les oreilles ça sert à crier ! m'a dit vendredi une fillette (une autre, me montrant ses narines m'a dit qu'elle avait deux nez. C'est pas faux, que j'y ai répondu) mais le plus souvent les petits enfants ne savent pas.
L'oreille est immobile et silencieuse.
Foin de discours, quelques images :

alors ?
(Petit Tom est en bonne santé (mais il ne se lave pas les oreilles, note de la blogueuse) ill. Gérard Grée)

Pourtant, les contes démontrant l'utilité (ou le danger...) des oreilles ne manquent pas :

(Le joueur de flûte de Hamelin, photo Zoltan Wegner, poupées créées par Amélie Serkine)

(Le Petit Poucet et autres jolis contes, éd René Touret)

(Les trois princes pervers, ill. Imagil)

Reconnaissons cependant qu'il y a, en matière d'oreilles, des créatures mieux pourvues que nous autres les humains :

(Rikiki-Riquiqui qui a peur de tout (si ça te fait penser à Kipling, c'est normal, c'est une adaptation. Bof.) ill. Clément Oubrerie)

(Petit lièvre et l'étranger ill. Vanessa Hié)

(Le petit âne de Rouffignac ill. Marcel Tillard)

(Blondine, Bonne Biche et Beau Minon (la Comtesse de Ségur) ill. Jean Léon Huens)

Vaine remarque ? Sans doute. Mise à part ma petite expérience, ce billet me fut inspiré par une citation d'Henri Roorda trouvée sur l'excellent blog La Feuille Charbinoise :

«Nos yeux ont des paupières. Dès que nous le voulons, il nous est loisible de fermer les yeux et de nous réfugier dans la nuit. Mais nos oreilles n’ont pas de paupières ; et dans les circonstances ordinaires de notre vie, nous sommes condamnés, bon gré mal gré, à entendre le bruit que font les hommes. Je ne veux pas critiquer la Nature. Elle a fait ce qu’elle a pu. Elle a fait beaucoup. Plusieurs fois par jour, je lui envoie l’expression muette de mon admiration. Je me demande seulement si c’est volontairement ou par étourderie qu’elle nous a donné des oreilles sans paupières…»

Pauvres enfants des crèches condamnés, bon gré mal gré, à m'écouter...

de l'utilité des oreilles

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